Escorte girl power
Quand j'ai compris que j'étais une escorte féministe...
Quand est-ce que j'ai entendu le mot féminisme» pour la première fois ? Aucune idée. On n'en parlait pas à l'école, ni à la maison. Et puis je ne m'y intéressais pas vraiment, je trouvais ça cool d'être une fille pour me maquiller, être amoureuse de Leonardo DiCaprio, et me sentir une petite chose fragile et douce qui se. bon. Je n'avais pas besoin de me battre à la récré et je pouvais cacher mes boutons d'acné sous des couches de fond de teint. J'étais très satisfaite de ma condition d'adolescente. Du coup, il m'a fallu un peu de temps avant de comprendre qu'être féministe ça signifiait vouloir l'égalité hommes / femmes, et que ça n'avait rien à voir avec le stéréotype de l'hystérique poilue des aisselles, prête à châtier toute masculinité qui viendrait entraver son chemin. Bref, j'ai grandi, j'ai mûri et breaking news : la vie d'une femme, ça ressemble pas du tout à celle d'une princesse Disney. Tant mieux ou tant pis, c'est selon. C'est en débarquant à Paris que je me confronte pour la première fois au milieu misogino bâtard-professionnel. Eh oui, quand on est une fille et qu'on commence à bosser, on pige vite que ça n'offre pas les mêmes privilèges que pour un garçon. On pige vite qu'on va être moins bien payée, que les rapports avec le supérieur hiérarchique peuvent bifurquer gentiment vers un plan drague bien relou... Coucou l'abus de pouvoir et le paternalisme lubrique ! En soi, rien de sur-prenant, je no suis pas plus, pas moins touchée que toutes les femmes par ce sexisme ordinaire, pas moins révoltant pour autant. Toutefois, depuis quelque temps, je me fais le témoin d'un sexisme d'un genre nouveau le sexisme 2.0. Il se trouve que j'officie régulièrement sur les internets. Comprendre par là je fais des vidéos rigolotes sur différentes chaînes YouTube. 11 y a quelque temps, avec mes compagnons de route, on a décidé de tourner une série de sketchs sur la façon dont, entre potes, on se raconte nos histoires d'amour et nos parties de jambes en l'air.
Le sujet nous amuse, on tourne les vidéos, on les met en ligne. Youpi, tout le monde est content. Domrnage, ça n'a pas duré long-temps. Une salve de commentaires très très très (très) agressifs nous est tombée sur le coin du pif. Nous autres femelles de la vidéo nous faisons traîner dans la boue, insulter en long en large et en travers par d'aimables messieurs en grande majorité. La violence des propos force la remise en question. Au-rais-je dû m'abstenir de parler de cul dans une vidéo ? Les remords arrivent au grand galop, et ces courageux commentateurs anonymes détruisent mon moral. On s'interroge, on cherche à comprendre. Que s'est-ii passé ?... Ce n'est tout de même pas la première fois qu'on parle de galipettes dans nos vidéos ! Oui, mais, cet-te fois-ci, je vous le donne en mille, le personnage principal est une femme (bibi en l'occurrence). Or, une femme qui parle de cul, c'est vulgaire. Ceux qui me donnent la réplique (individus pourvus d'un pénis) n'on t bien évidemment jamais subi les mêmes foudres. Alors, c'est peut-être pas grand-chose de se faire insulter en ligne, après tout, pourquoi y accorder de l'attention? Parce que, justement, tout le monde s'en fout. C'est assez simple de traiter une fille de tous les noms quand on trouve qu'elle ouvre un peu trop son bec. Et c'est bien décevant de voir que les modérateurs qui s'offusquent devant des photos de règles ou de nichons ne font rien pour interdire cette déferlante de vilenies... Alors voilà, j'ai voulu parler de ce sexisme-là aussi. Celui que les filles se prennent en pleine poire alors qu'elles espéraient juste faire rire. Celui qui fait qu’aujourd'hui je me sens plus féministe que jamais. C'est peut-être pas grand-chose à côté de toutes les horreurs que subissent les femmes dans le monde. Mais tous les combats anti blaireaux sont bons à prendre, non ?
Alors, ouvrons notre gueule, plus on sera des filles sur Internet, moins les blaireaux anonymes auront le courage de toutes mous injurier sur la place numérique publique.